A l’instar de la Place des Nations à Genève, les droits de l’homme sont en plein chantier. (photo : F.Burnand)

Après l’ajournement lundi matin de la 62e session de la Cdh, les spéculations sur le contenu de cette rencontre annuelle vont bon train. Pour beaucoup de défenseurs des droits de l’homme, la zone grise qui prévaut actuellement, à l’heure où n’existe pas encore de Conseil et plus vraiment de Commission, risque d’être fatale à de brûlants sujets sur la table aujourd’hui. Pourtant la Convention sur les disparitions forcées, un projet porté par la Suisse et la France, devrait être adoptée cette année. Elle prévoit la prévention et la sanction des enlèvements dus à des agents d’Etat.

Mais la déclaration sur le droit des peuples autochtones, autre moment fort, pourrait passer à la trappe. Enfin, les Rapporteurs spéciaux sur la torture, sur le terrorisme et sur les défenseurs des droits de l’homme ont préparé des compte-rendus impatiemment attendus dans l’hémicycle.

« Beaucoup ont fait de ces rapports leur testament, indique Eric Sottas, directeur à Genève de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCT). Et nous avons peur qu’au vu de la situation, ils ne soient même pas débattus. »

L’UE n’envisage aucune résolution

« De nombreux pays vont faire profil bas lors de cette session, affirme un négociateur latino-américain. L’Union européenne est de ceux-là. Plus surprenant : les pays nordiques et le Canada, traditionnellement très actifs, qui ont prévu un investissement minimum. Même certaines ONG souhaitent garder leurs énergies pour l’éventuel Conseil en juin. »

De son côté, l’ambassadeur de France à Genève, Jean-Maurice Ripert, l’admet : « Aucune résolution sur un pays, ni aucune résolution thématique ne seront présentées lors de cette Commission ». Par contre, il souhaite que l’agenda normal soit adopté, afin d’éviter « une année blanche pour les droits de l’homme ». Même son de cloche chez les Suisses où l’ambassadeur Blaise Godet parle « d’éviter un trou noir ». Il redoute un « vide dans les mécanismes de protection ».

La position des latinos

Pour le représentant américain à Genève, l’ambassadeur Kevin Moley, qui ne cache pas son impatience à voir cet organe disparaître, « il n’est dans l’intérêt de personne de faire passer un texte devant une Commission discréditée ».

Mais le diplomate latino-américain s’inquiète : « A supposer que le Conseil se réunisse en juin, il n’est pas sûr que des éléments de substance puissent y être discutés. Toute l’attention sera alors portée à sa mise sur pied. » Il ajoute : « Ce laisser-faire profite aux pays violateurs. Nous, en Amérique latine, qui avons vécu tant de régimes autoritaires, nous savons combien il est important de maintenir les droits de l’homme sur le devant de la scène. »
(collaboration : Juan Gasparini)