Avant le procès, très peu avaient entendu parler de Songo Mboyo, une bourgade perdue dans la forêt équatoriale. Cette localité est l’objet d’une triste actualité à la suite de la condamnation à perpétuité de sept soldats congolais pour crimes contre l’humanité. Ils étaient poursuivis par la justice militaire pour viols d’au moins 119 femmes dont en majorité de jeunes filles mineures, dans la nuit du 21 et 22 décembre 2003.

Le procès qui, pour des raisons pédagogiques, a bénéficié d’un retentissement international, servira probablement de leçon aux éventuels auteurs d’atrocités similaires, estiment des analystes. La condamnation des soldats a été prononcée le 12 avril 2006.

Le verdict du procès de Songo Mboyo a été favorablement accueilli par la majorité des Congolais qui commencent progressivement à intérioriser le concept de crimes contre l’humanité. Ils souhaitent toutefois que la justice militaire aille jusqu’au bout de sa logique en poursuivant tous les militaires auteurs des atrocités.

Les viols ont eu lieu, en décembre 2003, pendant que l’état-major général des Forces armées de la RDC (FARDC) procédait aux opérations de brassage de l’armée, de démobilisation et de réinsertion des militaires qui avaient choisi de rentrer dans la vie civile. Bon nombre des militaires, qui ont pris part aux atrocités, ne se trouvaient plus à Songo Mboyo pendant l’instruction du procès et ont échappé aux griffes de la justice à la grande colère de certaines femmes victimes de la localité.

Complaisance avec les auteurs des crimes

"Nous n’avons pas vu tous les hommes qui avaient participé aux viols collectifs de 2003. Nous exigeons qu’on les retrouve et qu’on les juge comme les autres", s’écrie Marie-Rose Samba, une femme victime de viol que la Mission des observateurs des Nations Unies au Congo (MONUC) avait transférée à Mbandaka, pour des soins appropriés. Elle a tenu à assister au procès de Songo Mboyo.

Le procès de Songo Mboyo, c’est également celui de la justice congolaise accusée par la MONUC et les organisations de la société civile de "complaisance avec les auteurs des crimes." Selon Marcella Fabreto de la section des droits de l’homme de la MONUC, la collaboration entre la justice congolaise et la MONUC a été parfaite dans la traque des auteurs des crimes de Songo Mboyo.

"Tout n’a pas été parfait dans notre collaboration avec le gouvernement congolais dans le dossier Songo Mboyo," avoue Marcella Fabreto. Certaines personnes ont visiblement entravé les enquêtes de la MONUC. "Il y a eu des situations où la MONUC, après avoir repéré les militaires fautifs, n’a pas eu le soutien nécessaire du gouvernement congolais. Nous avions des noms et cherchions à identifier les militaires dans des camps de brassage, mais nous n’y avons pas eu accès."

Un parapluie protecteur

Ces militaires présumés coupables de viols collectifs appartenaient au 9ème bataillon des FARDC, essentiellement composé d’éléments de l’ex-rébellion du Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, actuel vice-président du gouvernement de transition, chargé de l’Economie et des Finances. Conformément à la logique des composantes politiques, ces soldats auraient bénéficié du parapluie protecteur de Bemba.

Jean-Carlos Bomba, activiste des droits humains, basé à Mbandaka, le confirme. "Les ONG de défense des droits de l’Homme s’étaient engagées pour détecter les militaires impliqués dans les viols collectifs de Songo Mboyo. Nous avons réussi à établir les noms et grades des militaires recherchés, mais rien n’a été fait pour les arrêter et les traduire en justice".

Au terme du procès, le gouvernement congolais a été déclaré civilement responsable des actes commis par la force publique. Il a été condamné par le tribunal à dédommager les victimes : 10’000 dollars pour la famille d’une femme morte des suites d’un viol, et 5000 dollars pour victime. Les familles, dont les maisons avaient été pillées, recevront entre 200 et 500 dollars.

Par ailleurs, le procès de Songo Mboyo remet, sous les projecteurs de l’actualité, des crimes particulièrement plus violents commis contre les femmes congolaises dans d’autres localités du pays. Des habitants de Makobola et Kasika, dans la province du Sud-Kivu (est du pays), où des femmes ont été mutilées et enterrées vivantes, crient justice et exigent un procès en règle.

"Le procès de Songo Mboyo nous redonne l’espoir que les crimes commis à Makobola et Kasika ne resteront pas impunis", confie Christophe Mulindwa, parent d’une des victimes de Makobola.